Vous avez fait rebaptiser les ateliers «manufacture Berluti». On dit qu'une patine c'est 250 opérations et 5 ateliers différents pour une pièce ?
Le savoir-faire, c'est le fondement des valeurs de la marque ; après viennent l'impertinence et la bonne humeur.
La marque est-elle plus italienne que française ?
Les deux, mais il y a des touches anglaises aussi. L'histoire du fondateur Alessandro Berluti est étonnante. Il est parti à pied du Piémont et voulait se rendre à Paris pour devenir charpentier, mais il s'est arrêté en route et a dessiné des costumes pour une troupe de théâtre et des souliers. Un vrai cheminement, au sens propre et figuré.
Souliers, maroquinerie, prêt-à-porter et puis ?
C'est tout. Le prêt-à-porter n'est qu'un complément. Nous sommes bottier : la marque, c'est Berluti bottier comme Vuitton est un malletier et Hermès un sellier. Notre coeur de métier reste le soulier. Le prêt-à-porter permet d'animer la silhouette de la marque, son esprit libre.
Yves Saint Laurent et Andy Warhol portaient des Berluti. Aujourd'hui, qui sont vos clients ?
Je n'ai pas envie de caricaturer l'homme Berluti. Ce sont des hommes de tous âges et de tous pays. C'est une forme de modernité de ne pas entrer dans le secteur d'une tranche d'âge ni d'un profil, mais de créer des dialogues entre les générations. stylistique. Alessandro Sartori, notre styliste, s'appuie sur les savoir-faire traditionnels pour obtenir l'écriture d'une relation humaine, presque affective avec le produit. On achète un soulier Berluti comme s'il avait déjà été porté par son père ou son grand-père, c'est comme s'il avait déjà son histoire. J'aimerais que la garde-robe de l'homme Berluti représente cet esprit patiné et humaniste. L'homme Berluti n'est pas branché, il est de son temps et classique, une sorte de paradoxe contemporain. La collection printemps-été 2013 va encore plus loin dans ce sens.
Vous comparez Berluti à un diamant à l'état brut… Mais c'est un dandy tout de même ?
Oui, mais il y a différents types de dandys, le dandy Berluti essaie de ne pas l'être, il ne se prend pas au sérieux.
Quel est, selon vous, l'homme du XXIe siècle ?
Pour moi, c'est un homme qui s'intéresse à tout, qui au-delà de la curiosité de voyager est ouvert au monde et surtout qui n'est jamais blasé.
Qu'est-ce que le club Swann Berluti ?
Il y a tout à créer, mais avec grande précaution, surtout sans faire table rase du passé. Quand les gens de chez Berluti m'ont vu arriver, ils se sont dit qu'est-ce qu'il vient faire le petit Arnault, tout se passe bien ici. C'est justement parce que cela se passait bien que l'on a décidé que l'on pouvait aller plus loin et pousser les codes. Je ne me permettrais pas de doubler le nombre de boutiques sans avoir compris la marque et expliqué mes choix.
Une fois par an, les membres de ce club cirent au Dom Pérignon leurs Berluti sous les rayons de la pleine lune. Au début je trouvais cela indécent, mais en fait c'est plutôt de l'impertinence.
Quelle est votre impertinence ?
Ça, c'est mon secret. J'ai la chance de faire ce que je fais. Ici on vend des souliers et des costumes, on ne sauve pas des vies, il faut relativiser et surtout, règle no1, ne jamais se prendre au sérieux.|