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Costa Rica
Océan Pacifique
Une menace pèse sur les grandes villes : d'un continent à l'autre, le biotope urbain s'appauvrit. Les enseignes qui fleurissent aux abords des métropoles font écho à la prophétie de Claude Lévi-Strauss : «L'humanité s'installe dans la monoculture ; elle s'apprête à produire de la civilisation en masse». Les franges de San José, capitale du Costa Rica, n'échappent pas au présage, même si une foule d'indices rappelle que nous sommes sur l'isthme centraméricain : de vieilles demeures construites par les «barons du café», des vendeurs de rue offrant des rubans de goyave séchée et des échoppes couvertes d'enjoliveurs rutilants, marques de prestige social dans cette partie du globe. Peu importe, car sorti des villes, le Costa Rica promet un monde tout en nuances. Ce petit pays affiche l'une des biodiversités les plus élevées de la planète, dépassant celle de l'Amérique du Nord et de l'Europe réunies. La position géographique du Costa Rica, à la croisée de deux océans et de deux sous-continents, favorise la circulation des espèces et impose aujourd'hui cette jeune nation comme l'«arche de Noé du XXIe siècle».
On part à l'assaut de la Cordillera Central, rempart végétal surmonté de crêtes volcaniques. Des champs de fraisiers et des viveros – fermes à fleurs – s'étagent entre les chênes festonnés de mousses. Une odeur de soufre flotte sur les sommets, émanant de l'immense caldeira du volcan Poás qui abrite un lac couleur de jade. Nous voilà sur la ligne de partage des eaux : à main gauche, les côtes tourmentées de l'océan Pacifique ; à main droite, la mer des Caraïbes que l'on aperçoit au loin lorsque les brumes se dissipent. Un paysage en évolution Sur le versant atlantique de la cordillère, dans la forêt tropicale, on a le sentiment d'approcher une nature originelle, inviolée. Il s'agit d'une pure illusion romantique, née il y a plus de deux siècles en Occident. Ici plus qu'ailleurs, la nature, bousculée par ses propres soubresauts comme par les agissements humains, se métamorphose et se réinvente sans cesse. Certains des volcans qui nous entourent n'ont pas plus de mille ans. Les pentes hypnotiques qui descendent vers la cascade de La Paz ont été entièrement redessinées par un séisme en 2009. Les bananiers et les ajoncs aux fleurs jaune d'or, qui semblent appartenir depuis toujours à la jungle costaricienne, ont traversé l'Atlantique dans les caravelles des conquistadors. Et parmi les kapokiers majestueux qui se dressent devant nous, quelques-uns ont sûrement été semés par des tribus amérindiennes, pour lesquelles ces arbres étaient sacrés. Enfin, comment tenir cette nature pour vierge si l'on songe que plus de la moitié des forêts du Costa Rica ont été replantées au cours du XXe siècle ? Une multidiversité Plus au nord, dans les réserves cachées au pied de la Cordillera Central, l'homme est rappelé à un sentiment d'humilité : ici, il n'est qu'une espèce
À la croisée des mers Chaque homme est une île, presque une espèce à part entière et embarquer sur cette arche c'est découvrir les nuances du vivant. On s'échappe de San José par la transaméricaine, route qui court de l'Alaska à la Patagonie en longeant la grande ceinture de feu du Pacifique. Plumets de canne à sucre vert-de-gris, manguiers en fleurs, lignes de caféiers dessinant des tresses sur les collines : la Meseta Central est une plaine prospère qui s'épanouit entre deux cordillères. Il n'y a pas si longtemps, c'était encore une province oubliée de l'empire espagnol. Les conquistadors, déçus de ne pas y trouver le «fabuleux métal», l'ont d'abord négligée, à tel point que la seule monnaie qui avait cours dans ces vallées était les bizcochos, sortes de galettes de maïs crasseuses, passant de besace en besace.
Playa Grande, côte Pacifique, au nord de Tamarindo.